Intonaco, kezako
Intonaco : nom latin désignant le dernier enduit de chaux fin sur lequel le fresquiste vient déposer, à frais (a fresco), les couleurs (tons) qui ne feront plus qu'un avec le mur. Une fois posés, il est ensuite impossible d'effacer ces pigments, à moins de détruire l'enduit.
Cette mise en oeuvre a été développée par les Italiens de la Rome antique, d'où le vocabulaire technique latin encore utilisé actuellement. Elle a été très largement employée en France à la période médiévale, en particulier romane, où la totalité de l'édifice pouvait être peint. Ces murs d'images étaient de véritables supports de communication destinés à tous alors que l'imprimerie n'existait pas encore.
Ayant pratiqué puis enseigné la technique de la fresque à la chaux pendant plusieurs années, j'ai été frappée par la similitude que l'usage des sites numériques pouvait présenter avec le travail de ces oeuvres millénaires :
- communication destinée au grand nombre, passants des lieux ou surfeurs de la toile ;
- utilisation de l'écrit et de l'image mêlés, parfois en 3 dimensions (sculptures fresquées pour l'une, vidéos pour l'autre) ;
- possibilité d'utilisation de fonds de remplissage colorés mettant en valeur les espaces d'expression, le contenu (registre décoratif des fresques, papier peint, bandeau des lieux numériques) ;
- à l'identique des pigments déposés sur le mur a fresco, une fois qu'une page web est indexée par les moteurs de recherche, vous ne pouvez pas actuellement l'effacer ;
- même travail ergonomique d'aménagement de l'espace reliant la fresque et le bâtiment, qu'entre la page et l'architecture du site, pour correspondre aux usages du lieu ;
- même jeu de superposition des couches d'enduits au fil des réalisations et des pages archivées d'un blog ;
- essaimage des représentations par les propagations des ateliers de fresquistes itinérants avec rappel ou réemploi, et viralité de l'internet ;
- principe des communautés développant un style propre (ateliers des maîtres-fresquistes, plateformes de blogs ou de CMS).
Poster un article, écrire un billet, publier une photographie, les rendre visibles sur un écran (mur numérique) serait-il la transposition en ce début du troisième millénaire du geste communiquant que réalisaient les fresquistes sur l'enduit intonaco des parois de l'aube de l'an mille ?
Mots-clés : mur numérique